• Extrait Roman

    "[...] Des armées du salut est née la fin de la Révolution des Contes dont les os seuls témoignent. Léviathan, proclamé « dictateur des modérés », enveloppé d'une cape dont il est dit qu'elle est voile à sa face de Mort, est envoyé de la Terreur pour étouffer le Corps Humain et abolir le Végétal. Dans le mépris des arts et des consciences, il ordonne tortures et exécutions de tout Etre faisant signe de Création. D'une nature imposant la couleur, il arrache chaque parcelle, une fine pince excavant les stigmates de vie. Soumis aux flammes dans l'incendie de son antre d'enfant, il perçut les cris de sa mère et les longs râles de sa consumation avant de faire pacte avec l'Obscur, abandonnant à la traîtrise quelques lambeaux de chair. Par la moitié brûlée, il a pris pour compagne une lame tranchante surmontée d'un dragon, déchirant de fierté et de violence, et héritée de la première quête du « Voyage d'O. » auquel doit se soumettre tout initié, dans le menace d'une capture de l'âme éternellement gardée sous geôle et offerte aux expériences insensées de la Souffrance. Une biographie officielle témoigne de son parcours, nommée « Combustion », celle-ci dévoile pacte et sacrifices, nourritures à cette identité fantasmée.

     

    Ethan la sait par cœur. Comme tous les élèves des «contrées inférieures », il lui a fallu avaler, digérer, vomir ce texte, lettres mélangées et odeur de sang, connaître le mot et sa ligne, la page et l'alinéa, la virgule et le sens de chaque point. Les feuilles une à une absorbées étaient devenues siennes, vivantes comme un ver vorace dans toutes les parcelles alors inhabitées de son corps d'enfant. Petit garçon, il n'attachait à ces heures redondantes qu'un sens du devoir mais il avait compris bien tôt qu'il y avait là, dans cette œuvre aux pages nauséabondes et dégoulinantes, les séquelles d'une humanité perdue. Il repensait à ses heures de lecture, au square sur son banc où assis en tailleur il sentait la trace de ses membres épouser le bois chaud ; à l'école sur les marches de l'entrée à tête de lion, fauve avec lequel il lui plaisait de s'imaginer causer et c'est sur le chemin du retour qu'il avait cent fois foulé que toutes les images s'évaporaient sous ses pas. Interpellant le vent sur la nature de ses absences, il se rendit compte qu'il perdait la mémoire. La chute avait été longue et le passé fuyait.[...]"


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